Chapitre 40 : vies croisées
Malgré la peine qu'a causé la disparition de Mamandine, j'essaye de me donner à fond dans mon boulot. La preuve, je n'ai même pas eu de voyage de noces !
Et au vu de mes dernières prestations au Velours bleu, les heures passées à m'entraîner au micro dans ma chambre d'ado ont payé ! Le (maigre) public était (modestement) en folie ! J'ai même cru que la madame aux cheveux roses allait me sauter dessus ! Non mais, jsuis pas goudou moi !
Par la même occasion, Lucas a enfin fait connaissance avec ma mère, qui a pris un sacré coup de vieux depuis la dernière fois que je l'ai vue.
Père, quant à lui, tente d'apaiser son chagrin en passant le plus de temps possible avec Zira. La pauvre, elle est chaperonnée et surveillée comme je ne l'ai jamais été !
Un matin, je me suis réveillée et OH MON DIEU QU'EST-CE QUE C'EST QUE CE VENTRE ???? Il vient d'où ? Il est apparu comment ? Et ma taille de guêpe, elle est partie à Sunlit Tides ?
Aussitôt j'ai sauté sur le (semi-)coupable pour lui dire deux mots annoncer la nouvelle. "Euh... Chéri-chou ? Tu sais quoi ? On va avoir un bébé !" Réaction de mon seigneur et maître :
"Hein ? Quoi ? Non ? Déjà ?! Mais alors... adieu les grasses mat' crapuleuses le dimanche ? Adieu les câlins rien qu'à deux le soir ? Adieu la vie de jeunes mariés ? Adieu les nuits paisibles ?" "Et oui mon bonhomme, et je te rappelle que t'as signé pour au moins 20 ans !" "Euh, non mais je suis content ma chérie-choute hein !"
Particulièrement agacée par la réaction de Lucas, je suis allée annoncer la nouvelle à Père, histoire de voir si dans cette famille quelqu'un est content de l'évènement. "Oh ma chérie, c'est vrai ? Quel beau cadeau tu fais à ton vieux père ! J'espère juste vivre assez longtemps pour lui faire des risettes..." Eh ben quand ça veut pas, ça veut pas...
Pour me délasser et laisser derrière l'ambiance particulièrement pesante de la maison, je suis allée essayer le nouveau spa qui a ouvert en ville.
Enfin à peine arrivée, j'ai inauguré leurs toilettes... Fichues nausées... Les femmes enceintes sont épanouies et rayonnantes, c'est ça oui !
Bon allez, on se détend, on oublie tout... Vraiment tout...............................................
Rentrée au manoir, je ne tarissais pas d'éloge sur ce nouveau spa. "Père, tu devrais venir avec moi demain ! Tu vas voir, c'est vraiment super ! On est comme des coqs en pâte, je suis sûr que ça te fera le plus grand bien !" "Moui, après tout, pourquoi pas..."
Il faut dire que je m'inquiète sacrément pour Père. Depuis la mort de Mamandine, je crois qu'il se sent un peu perdu. L'autre soir, je l'ai vu manger dans sa tenue d'astronaute, alors qu'il a pris sa retraite depuis longtemps...
Au milieu de ce chagrin, la joie et l'innocence de Zira réchauffent le cœur. Encore ce matin, elle nous racontait une histoire extraordinaire, simplement pour nous faire rire et pour bien commencer la journée. C'est vraiment un ange, ma salade verte.
Lucas, lui, fait comme il peut. Je ne sais pas si sa forêt lui manque à ce point, mais je le trouve régulièrement en train de parler tout seul et de se raconter des histoires de grizzly et d'indiens fous. Il me rappelle un peu Mamandine.
Sur le chemin du spa, j'ai croisé Javel-John. "Jooooohnny ! Comment ça va Monsieur Propre ? ça frotte dur ?" "Oh ben écoute ça va bien, avec Sébastien nous avons désormais deux enfants, un garçon et une fille !" "Hein ? Quoi ? Déjà ?" "Eh oui, déjà, mais on est très heureux ensemble ! Passe nous voir de temps en temps !"
"Et toi ma sœur, je vois que tu n'es pas seule !" "Héhé oui, comme tu vois ! Lucas et moi sommes mariés désormais, et voici le résultat de la nuit de noces !" "Et tu en as combien là-dedans ?" "Oh, le moins possible j'espère ! Je suis pas comme certaines qui veulent avoir 100 bébés ! T'imagines le truc ? Horrible !"
Pendant que je taillais la bavette à mon frangin propre sur lui, Père savourait les massages du spa. Par contre, il était obligé de prendre la plus jeune masseuse ou c'est un hasard ?
Une fois Javel-John parti, je me suis plongée dans un délicieux bain chaud aux pétales de roses, princesse-style ! Rose, ça en ferait un super prénom, ça...
Visiblement le spa fait beaucoup de bien à Père, un peu trop même... Il faudrait que je lui dise que draguer les minettes en serviette au sauna, ça n'est plus vraiment de son âge. Enfin je voulais lui changer les idées, c'est chose faite !
Le soir, de retour au manoir, un certain rouquin vint me voir dans ses petits chaussons. "Ecoute, Chérie-choute... Je voulais m'excuser pour ma réaction déplacée de l'autre jour. Je t'aime, et je suis ravi d'accueillir cet enfant dans nos vies. Maintenant, mon problème, c'est de savoir si je ferais un bon père..."
Malheureusement, le moment était mal choisi pour des excuses. Nous avons entendu un BOUM sourd au grenier, puis plus rien.
Zira, Lucas et moi avons monté les escaliers quatre à quatre, pour découvrir que Père s'était effondré et que la vie l'avait déjà quitté. Ma sœur et moi avons aussitôt fondu en larmes... Et dire que je m'inquiétais de le voir dragouiller au sauna, c'est parce qu'il savait...
Accablée de chagrin, je me précipitais dans les bras de Lucas. Sa chaleur et sa douceur naturelle me firent du bien, mais cela ne suffit pas à arrêter le flot de larmes qui sortait de mes yeux. Père ne connaîtrait jamais notre enfant... A cette pensée, les larmes jaillirent de plus belle.
Par mimétisme, Zira se jeta dans les pattes poilues de ce bon vieux Blarffy pour y trouver un peu de réconfort.
La nuit arrêta les larmes, mais pas le chagrin. Le lendemain, j'ai eu bien du mal à décrocher un sourire et à préparer quelques blagues pour mes prochaines représentations.
Heureusement, j'ai un amour de mari. En me voyant aussi éprouvée, Lucas a décidé de prendre toute l'intendance en main, au moins jusqu'à la fin de la grossesse. Le pauvre, il écope des corvées et de deux pleureuses en plus...
J'essaye de distraire Zira avec mon gros bidou et le polichinelle qui est dedans, mais ça ne marche pas vraiment. Ma salade verte est toute bouleversée. Deux morts en aussi peu de temps, c'est dur pour elle.
C'est justement ce soir-là que le polichinelle a décidé de montrer le bout de son nez. Du coup, pas le choix, on a dû laisser Zira seule le temps d'aller à l'hôpital. Mon Lucas était dans un de ces états, il était tout paniqué le Chéri-chou !
En même temps, quand on voit la machine pour accoucher, et quand on voit que la sage-femme joue à un jeu vidéo, c'est pas vraiment rassurant... J'aurais dû lire le guide de la future mère "Tu t'es laissée aller maintenant assume !" Vol. 17, je le savais...
Finalement, j'ai donné naissance à une petite fleur du nom de Rose ! Quoi ? C'est le costume qui vous intrigue ? Je vous ai pas parlé de mes activités nocturnes ?
