Chapitre 39 : Joie et peine
Voilà longtemps que je n'avais pas écrit, mais il faut dire que la vie au manoir s'écoule paisiblement ces derniers jours. Entre Lucas et moi c'est toujours l'amour avec un grand tas. Je pourrais passer ma vie au creux de ses bras.
Un matin dans la salle de bain, Monsieur décida de me surprendre. "Dis donc toi, tu sais que tu es sacrément sexy avec ton vieux pyjama ?" "Euuuh... vraiment mon chéri ?"
"Sara Owlblood, je veux passer le reste de ma vie à tes côtés. Veux-tu m'épouser ?" Je ne vous raconte pas mon émotion ! Bon d'abord le choc de la surprise, puis mon cœur s'est mis à faire n'importe quoi, j'avais l'impression d'avoir un orchestre philharmonique dans la poitrine !
Bien sûr que j'ai accepté, vous auriez vu ce diamant ! Si Lucas était assez amoureux de moi pour me demander en mariage alors que je portais ce vieux T-shirt, j'étais moi assez amoureuse pour accepter !
A part me demander en mariage, Lucas passe ses journées à s'occuper du potager, et bientôt les premières récoltes rapporteront un peu d'argent. Je crois que sa forêt lui manque un peu, même s'il n'en montre rien.
Zira est toujours aussi casse-cou et aventureuse. Elle a déjà décrété que quand elle serait grande, elle serait la reine des pirates. Alors elle commence dès maintenant à s'entrainer à donner des ordres à ses amis imaginaires.
Elle s'entraîne aussi à franchir des ponts imaginaires surplombant des ravins et à échapper aux corsaires du roi. Sa présence pleine de vie apporte un nouveau souffle au manoir, et je dois dire que sans ma petite sœur, nos vies seraient bien mornes.
D'ailleurs, elle passe le plus clair de son temps dehors, et si nous n'étions pas attentifs les devoirs ne seraient pas fait souvent !
Père et Amandine sont revenus de leur voyage il y a quelques jours, ravis mais exténués.
"Alors les tropiques, c'était comment, Beau-Papa ?" "De une c'était splendide, de deux ne m'appelle plus jamais Beau-Papa sinon tu comprendras pourquoi il y a blood dans Owlblood !"
Malheureusement, à peine 24h après être rentrés, Amandine se sentit pris d'une soudaine faiblesse. Et ça n'était pas à cause de la nourriture étrangère...
Amandine s'effondra pour ne plus se relever. Nous vîmes la sinistre silhouette apparaître, et emporter avec la folle étincelle de vie qui animait celle qui fut une mère pour moi. Mais ce fut pour Père que le coup fut le plus dur. Il perdait l'amour de sa vie, sa raison d'être.
Il alla confier son désarroi à Matho, qui semblait bien mal à l'aise de voir son petit-fils ainsi endeuillé. Peut-être lui demandait-il aussi des informations sur la vie après la mort et ses chances de revoir sa bien-aimée.
Et le lendemain matin, à peine levée je vis qu'il était devant la tombe d'Amandine, sans dire un mot ni pleurer, mais le visage rongé par le chagrin.
Pour essayer de lui changer les idées, j'organisais une après-midi piscine. Et avec la chaleur de ces dernières semaines, tout le monde en avait besoin !
Je me suis même essayé à la préparation de boissons fraîches. Moi, un désastre ambulant ? Je ne vois pas de quoi vous parlez...
Malheureusement, il faut bien avouer que ce fut un coup d'épée dans l'eau et que tout cela fit peu d'éclaboussures sur l'humeur de Père, qui ne semblait pas près de se dérider. Bon, je n'attendais pas non plus un fou rire, mais j'espérais lui avoir un peu changé les idées.
Le jour suivant, face à cette situation, mon cher et tendre décida de prendre la situation en main. Il me chuchota quelques mots qui me firent frémir, puis lança à Père : "Beau-Peuuuh... Walter, allez mettre vos plus beaux habits et allez dans le jardin, une surprise vous attend !" Pendant ce temps-là, je me faufilais à l'étage...
Pour redescendre vêtue de ma robe de mariée achetée quelques jours plus tôt. Lucas avait décidé d'avancer la date de notre mariage, en espérant que cela apporterait un peu de joie à Père.
C'est ainsi que nous nous sommes retrouvés devant l'arche de mariage, prêts à échanger nos vœux, et avec pour seuls spectateurs Zira et Père. J'aurais aimé faire un grand mariage réunissant toute la famille, mais mon Lucas était un solitaire, ce petit comité lui convenait bien mieux.
Enfin, le grand jour était venu pour moi. Je réalisais un rêve, j'accomplissais mon devoir d'héritière, et à cet instant mon avenir prenait la forme d'un beau rouquin aux yeux bleus fixés sur moi comme si j'étais un trésor.
Allez zou, viens là que je t'épouse ! Je suis à toi, tu es à moi, à la vie à la mort ! Emballé c'est pesé !
Une fois les vœux échangés, Père vint me serrer longuement dans ses bras. Je ressentis dans cette étreinte tout le chagrin qui l'habitait, et toute la solitude qu'il fuyait, et je me sentis bouleversée.
Un peu de douceur fut apportée par la pièce montée, que j'étais allée chercher en hâte chez un pâtissier le matin même. Bon, j'avais pris le premier gâteau un peu blanc qui passait, mais ça compte quand même hein ?
Mais malheureusement, malgré son faible sourire, la douleur du deuil était encore trop forte pour que Père se laisse aller totalement à sa joie... Mission à moitié accomplie...
