Chapitre 24 : Seules au monde ?
- Mathoo
- 26 juil. 2015
- 5 min de lecture

Elles étaient seules. Tel était le constat écrasant qui s'imposait à l'esprit de Melody. Elle et sa mère étaient désormais seules au manoir, seules au monde. Elles ne pouvaient compter que sur elles-mêmes. Alors que les larmes s'asséchaient, Sen murmura d'une voix pleine de tristesse à l'oreille de sa fille : "Il faut que tu sois forte. La famille doit survivre, tu dois survivre."

Et Melody en avait bien l'intention. Au delà de la tristesse et de la rage qu'elle ressentait d'avoir été si impuissante face au revers du destin qu'elle connaissait, elle sentait en elle se forger une détermination sans faille. Elle survivrait. Les Owlblood survivraient. Et la complainte qu'elle joua au piano était pleine de cette tristesse et de cette détermination. Comme l'oeuf de dragon en verre posé sur le piano, le feu couvait en elle.
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Sen, quant à elle, s'efforçait de se vider la tête et de digérer les évènements des deux jours qui venaient de s'écouler. Elle commença donc une nouvelle sculpture alors que mille questions l'assaillaient. Comment allaient-elles survivre ? Elle ne pouvait certainement pas demander à Melody de travailler. Tout reposait sur elle, mais son activité de sculptrice était trop irrégulière pour assurer leur sécurité financière...

Le matin suivant, comme un signe divin, une aube rouge sang se leva sur la ville. La dernière qu'avait connue les Owlblood était le matin suivant le mariage d'Alexander et d'Emilia. Funeste présage ? Ou au contraire annonce d'un futur plus radieux, comme si la ville était lavée des malheurs qui aurait pu se produire ?

Pour se consoler dans son chagrin, Melody reportait toute son affection et son attention sur ses chats, qui du bout du museau lui apportaient un peu de réconfort et de douceur.

Melody avait pleinement compris son rôle de chef de famille, et savait qu'elle devait devenir forte pour faire face à l'adversité. Alors elle se plongea dans l'étude comme jamais auparavant. L'époque des rires et des jeux avec ses frères semblait belle et bien révolue...

Par une nuit de pleine lune, elle rencontra sa grand-mère et lui fit part des derniers évènements et de la promesse qu'elle s'était faite. Sachant de Daphné avait été une grande sorcière de son vivant, elle lui demanda également des conseils pour réaliser cette promesse.

Percevant le désarroi et la tristesse de sa petite-fille, Daphné tenta de la réconforter comme elle put. Elle prononça notamment ces mots que la jeune fille ne comprit pas tout à fait : "De là où nous sommes, nous ne pouvons avoir aucune influence sur le monde des vivants, mais ne t'inquiète pas ma chérie, nous serons toujours en toi, et cela t'ouvrira bien des portes !"

Sen aussi ne comprenait pas. Pour le moment, les subtilités du jeu d'échecs lui échappaient, mais un jour, à force de pratique, elle comprendrait. En effet, elle avait vu dans le journal que la police municipale recrutait, et s'engager lui avait semblé être un bon moyen d'assurer à elle et à sa fille des revenus stables, bien que modestes. Et pour cela, il lui fallait aiguiser ses capacités de réflexions.

Le lendemain, Sen emmena sa fille au festival de l'automne. La journée de l'horreur approchait, et elles devaient faire le plein de citrouilles pour décorer le manoir. Et puis, Sen estimait qu'elle devait pousser sa fille à aller de l'avant et la convaincre que malgré les épreuves, la vie ne s'arrêtait pas.

En soirée, Melody passa à la bibliothèque pour emprunter quelques romans. Elle y croisa son grand-père, Philippe Ruelle. Avec une grande tristesse et en s'efforçant de retenir ses larmes, elle lui annonça le départ de Dorian et de ses deux frères, ce qui émut profondément le vieil homme. Malheureusement, les lois de la famille lui interdisaient de revenir au manoir, mais il assura sa petite-fille se son soutien inconditionnel.

Alors qu'elle épluchait les rayons, Melody tomba soudainement sur un livre étrange. Avec sa couverture en cuir vert éliminée, il semblait très ancien. Son titre, écrit en lettres d'or, était : "L'Alchimie : science ou magie ?" Intriguée, la jeune fille le prit et commença à le lire. L'ouvrage traitait de la définition de l'alchimie, mais aussi de son usage, de son histoire et donnait quelques exemples de potions soit-disant simples à réaliser. Voyant l'heure tourner, la jeune fille décida d'emprunter l'ouvrage et de le ramener au manoir. Lorsqu'elle regarda la fiche d'emprunt, elle remarqua que personne ne l'avait emprunté depuis... 150 ans !

Le lendemain matin, lorsque Melody se rendit au lycée, se fut avec un sourire aux lèvres, pour la première fois depuis plusieurs jours. Ce livre lui ouvrait des perspectives qu'elle n'aurait jamais imaginées ! Restait à savoir si c'était véritablement efficace ou si c'était du flanc...

Son sourire s'agrandit encore à son retour, lorsqu'elle apprit que sa chère Léto avait donné naissance à trois petits chatons !

Ils étaient si adorables, et si doux ! Melody ne se laissait pas de les caresser et de les observer découvrir le manoir sur leurs petites pattes chancelantes.

Hélas, Melody n'oubliait pas ses responsabilités, et la journée se termina de façon plus studieuse...

Le jour suivant était la journée de l'horreur. Inspirée par le livre d'alchimie, Melody s'aventura dans la serre du manoir. Les plantes cultivées par sa grand-mère étaient laissées à l'abandon, et elle était bien déterminée à leur rendre une seconde jeunesse.

L'après-midi fut consacré à la sculpture de citrouilles afin de décorer le manoir. C'était également le moment idéal pour se retrouver entre mère et fille.

En fin de journée, Sen annonça à sa fille qu'elle avait une surprise pour elle. "J'ai bien réfléchi, dit-elle, et je sais que tu ta condition de vampire ne te rend pas heureuse. Alors voici un petit cadeau qui t'aidera sûrement." "Qu'est-ce que c'est, Mère ?" "Eh bien tu sais que ta grand-mère était une alchimiste renommée. Dans sa jeunesse, elle avait préparé un élixir pour soigner sa propre mère du vampirisme. Il se trouve qu'elle avait préparé une fiole de réserve. La voici."

Melody n'en croyait pas ses oreilles. "Alors, avec cet élixir, je pourrais redevenir humaine ?" "Si tu le désires, oui." "Oh Mère, merci beaucoup !" s'exclama la jeune fille en enlaçant Sen.

Dans la soirée, le déclic se fit dans l'esprit de Melody. Mais alors, l'achimie, ça n'était pas du flan ? Et regardant plus précisément la fiche d'emprunt, un élément la frappa soudainement : le dernier emprunteur était... Alexander Owlblood ! Son arrière-arrière-grand-père ! La jeune fille était confuse, fallait-il y voir une sorte de signe du destin ?

Le lendemain, les premières neiges couvraient Midnight Hollow de leur manteau blanc... Une fois les cours de la journée finis, Melody se rendit au terrain de festival, face à l'hôtel de ville.

Elle allait le faire. Elle allait utiliser l'élixir préparé par sa grand-mère. Sous le coup de l'excitation, son coeur battait à tout rompre. Et si ça ne marchait pas ? Si l'élixir était trop vieux ? Si... Elle inspira un grand coup, et en expirant projeta au sol la fiole qui explosa. Une vapeur bleue s'en dégagea et...

Melody sentit une chaleur inconnue envahir son corps. Et en même temps, elle le sentait devenir plus lourd, ses sens semblaient moins fort. Mais surtout, elle sentit la faim qui la tenaillait jour et nuit depuis qu'elle était née disparaître progressivement. Elle redevenait humaine, vivante ! L'élixir avait fonctionné !

Elle se rendit à la salle de sport municipale, qui lui semblait être l'endroit idéal pour tester les limites de ses capacités physiques. Elle y rencontra également Théodore Plènozas, l'industriel le plus riche et puissant de la ville, dont l'entreprise était spécialisée dans la confection des peluches de lama.

Malgré leur écart d'âge, le courant passa très bien entre eux. Et plus elle y pensait, plus Melody leurs trouvait de points communs : issus d'une famille riche, obligés de se débrouiller seuls pour atteindre le succès, blonds... Après ces derniers temps enfermée sur elle-même, elle était heureuse de s'être trouvé un nouvel ami et quelqu'un qui la comprenait.
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