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OWLBLOOD ORIGINS 1

 

Le Harfang et la Sorcière (1)

Mon nom est Myriam, et je suis née à Dragon Valley. Je suis issue d'une vieille famille de sorcières.

Ma mère s'appelait Cassandre, c'était une sorcière, une experte en potions. Les habitants de Dragon Valley venaient régulièrement voir ma mère et lui acheter des potions, que ce fut la simple fiole de sommeil pour aider à dormir, ou la morsure de loup-garou en bouteille pour ceux désirant changer de vie.

Nous vivions toutes les deux dans une petite maison en pierres claires, un peu à l'écart de la ville. Même si je n'ai jamais connu mon père, mon enfance auprès de ma mère fut paisible et heureuse. Je goûtais les joies de la nature et le plaisir des jeux d'enfants.

Tout cela changea un soir d'été. Un groupe d'hommes se présenta devant notre maison. Ils étaient menés par un homme reconnaissable entre tous : Charles Owlblood, l'homme le plus puissant de la ville, surnommé le Harfang du fait de ses cheveux blancs comme le plumage de la chouette des neiges.

Ma mère m'ordonna de rentrer et fit face seule aux hommes. La tension était palpable.

"Bonsoir, gentilhommes. Qu'est-ce qu'une humble personne comme moi peut faire pour vous ?"

"Assez de paroles, sorcière ! Nous venons mettre un terme à ton influence maléfique sur cette ville !

- Quoi ? Mais de quoi parlez-vous ?

- Messieurs, la voici l'explication de la sécheresse qui nous accable depuis des mois ! Voici le démon qui empêche les récoltes de pousser et qui tarit nos rivières !

- C'est entièrement faux ! Je ne fais qu'aider ceux qui le souhaitent, je n'ai jamais fait de mal à quiconque !

- Menteuse ! Voilà bien les manières d'une sorcière ! Elle a jeté le mauvais oeil sur nous ! Brûlez-la, et brûlez sa chaumière avec, c'est le seul moyen de faire revenir la pluie !

Ma mère eut beau se défendre et se débattre, elle ne fit pas le poids face aux hommes de main du Harfang. Ils mirent le feu à notre maison et enfermèrent ma mère à l'intérieur. Lorsqu'elle vit que tout était perdu, elle me cria "Fuis Myriam, fuis !"

Et je me suis enfuie. J'ai couru dans les bois, sans me retourner sur notre maison en feu, mais en ne pouvant m'enlever de l'esprit le visage de ma mère en proie aux flammes. Mon enfance se termina cette nuit-là, je n'avais même pas 10 ans.

Je trouvais refuge chez une tante de ma mère qui habitait la région. Les années passèrent, je devins une jeune fille, mais jamais je ne pus oublier ni pardonner ce que le Harfang avait fait à ma mère. Je n'avais qu'une idée en tête : la vengeance.

J'avais appris par ma tante que quelques temps avant cette fameuse nuit, le Harfang et ma mère avaient eu une liaison. Mais le Harfang avait jugé cette relation trop nuisible à sa réputation et à son mariage, et avait préféré couper court. La mort de ma mère était donc pour lui l'assurance que personne ne serait jamais au courant de cette aventure.

Une fois que j'eus appris suffisament la sorcellerie, je mis en place un plan pour détruire celui qui avait détruit ma vie. L'attaque était venue de l'extérieur, mais ma riposte viendrait elle de l'intérieur. J'utilisais un sort empêchant quiconque de me reconnaître, et je me fis engagée au manoir des Owlblood.

J'avais attendu des années qu'une place au sein du personnel se libère. Convaincre leur intendant de m'engager fut chose aisée, surtout avec la magie. Je m'étais ainsi assurée une place de choix au sein de la maisonnée.

Je fus donc affectée aux cuisines, où je servis plusieurs années en tant que domestique chargée de la préparation et du service des repas. J'eus mille occasions d'empoisonner le Harfang et sa famille, mais je comptais d'abord le faire souffrir.

Mon but était tout autre qu'un empoisonnement rapide. Charles Owlblood avait un fils unique, à peine plus âgé que moi, du nom de Percival. Lui aussi avait les cheveux de neige, des yeux bleus de glace, et il était destiné à devenir le prochain Harfang. Mon intention était de le séduire, pour ensuite le manipuler, le mener à sa perte, et ainsi atteindre le père en touchant le fils.

Ce que Percival aimait par-dessus tout, c'était l'équitation. Il possédait un étalon blanc du nom de Diamant.

Lorsqu'il rentrait du collège, durant les weekend et les vacances, il passait le plus clair de son temps à chevaucher et à parcourir la vallée avec Diamant, et ce peu importe la période de l'année.

Il n'était pas rare qu'il rentre au domaine tard le soir et complètement crotté. Ces chevauchées sauvages et ces envies de liberté n'étaient pas du goût de Charles Owlblood, qui aurait voulu faire de son fils un parfait industriel qui puisse lui succéder à la tête de l'empire économique familial.

Un soir que Percival était seul dans un des salons du manoir, je me faufilais derrière son dos pour lui lancer un sort qui le ferait tomber éperdumment amoureux de moi et le mettrait ainsi en mon pouvoir.

Mais Percival était d'une nature calme et réservée. Face au manque de réaction de sa part, je crus tout d'abord que mon sort avait échoué. Il faut dire qu'il passait le plus clair de son temps au collège. Puis vinrent les petits regards à la dérobée qui ne trompent pas...

Il y eut ensuite ce bouquet de fleurs sauvages déposé sur ma table de chevet, un soir de fin d'été...

Et enfin, un soir d'hiver, alors que la neige recouvrait la ville, il fit irruption dans ma chambre. Tout d'abord gêné, il fit les cent pas avant de s'arrêter, de me regarder dans les yeux et de dire :

"Myriam, je... je... Je vous aime. Depuis plusieurs mois je ne pense qu'à vous, quoi que je fasse, où que j'aille... Même la nuit il m'arrive de rêver de vous..."

Bien que jubilant de tenir enfin le fils de mon ennemi sous ma coupe, je jouais la carte de la surprise et de l'innocente.

"Oh, mais... Monsieur... je... je suis touchée par cette déclaration, mais enfin... Vous et moi, nous ne pouvons pas... ça ne serait pas convenable, on jaserait..."

"Alors ce sera notre petit secret..." me chuchota-t-il avant de me prendre doucement dans ses bras pour m'embrasser.

C'était mon premier baiser, et il avait le goût de la vengeance triomphante.

Cet hiver-là, nous passâmes beaucoup de temps ensemble. Nous avions coutume de nous retrouver près d'un étang, où nous passions des heures à parler et jouer dans la neige. Je découvris ainsi que contrairement à son père, Percival était un être fondamentalement bienveillant et généreux.

Il prit sur lui de compléter mon éducation, car en effet si je savais parfaitement jeter un sort de feu ou préparer une potion de félicité, c'est à peine si je savais lire et écrire. Et l'éducation étant à ses yeux la clé du succès, il comptait bien ainsi m'offrir une meilleure vie que celle d'une domestique.

Il entreprit même de m'apprendre à monter à cheval comme une lady, avec un succès cependant assez mitigé. Ces leçons avaient souvent lieu le soir, en cachette. Pour la première fois depuis des années, je partageais autre chose qu'une salle de bain avec quelqu'un.

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